La métamorphose du ruisseau.
Voilà plusieurs années que j'ai en tête de venir en aide à ce petit ruisseau. C'est une petite source de plaine qui termine sa route dans l'Huisne. Composé dans sa majeure partie d'eau stagnante, à cause d'une pente trop douce. Le fond est donc principalement composé de vase et de branches mortes ne laissant place à presque aucune forme de vie. Mais certains secteurs forment de jolis petits courants qui abritent de jolies petites gravières. Et si l'on retourne les quelques blocs de pierres présents dans ces courants, on y trouve des gammares mais également différentes espèces de trichoptères, des éphémères, zigoptères et autres larves aquatiques. Une preuve que l'eau de ce ruisseau ne semble pas de si mauvaise qualité et que dans les trop rares secteurs oxygénés, la faune parait être assez riche.
Je sais également qu'il abrite quelques loches de rivières mais rien de plus. Et pourtant, si ce ruisseau avait plus de portions d'eaux rapides et oxygénées, il abriterait très certainement davantage d'espèces d'insectes aquatiques qui permettraient de servir de nourriture à davantage d'espèces de poissons. J'ai donc décidé depuis l'été 2014 de m'occuper de ce petit ruisseau, en rêvant d'une future petite réserve. Et si un jour ce ruisseau accueillait des truites ? C'est une autre histoire mais tout à fait possible. La vie aquatique ne dépend que d'un seule critère, la qualité de l'eau et elle ne demande ici qu'à enrichir sa liste faunistique.
Il va donc falloir créer des courants artificiels. C'est très simple, il suffit de déposer des pierres dans le lit du ruisseau pour réhausser le niveau de l'eau et générer ainsi une sorte de barrage, afin de créer des cascades qui formeront des courants facteurs d'oxygénation. De plus, ces courants nettoieront le fond du ruisseau et peu à peu, la vase laissera place à de jolis gravies qui accueilleront avec le temps, différentes familles d'insectes.
J'ai donc tenté l'expérience en mai dernier, en créant sur une portion d'environ 50 mètres, plusieurs courants et accélérateur d'eau avec des pierres. Je les ai espacé d'environ un à trois mètres sur une zone envasée auparavant. Cette portion est maintenant composée d'une succession de petites retenues d'eaux et de cascades sur un fond de graviers. La vase qui n'acceuillait presque aucune vie a aujourd'hui laissé place à quelques plantes et une multitude d'insectes aquatiques en seulement un an. J'y avait lâché en juin dernier plus d'une cinquantaine de vairons qui sont toujours présents à ce jour. Signe que la nourriture semble suffisante pour les accueillir. Si ce petit poisson indicateur de bonne qualité de l'eau réussi à se reproduire, un grand pas vers une possibilité d'accueil de truites fario sera effectué. Car si ils parviennent à prospérer en masse dans le ruisseau, ils constitueraient en plus des larves d'insectes, un garde manger parfait pour satisfaire l'appétit des truites qui aporteraient un équilibre à ce ruisseau. Nous sommes en pleine période de reproduction, je croise donc les doigts pour espérer les voir à l'action.
Quoi qu'il en soit, même si je m'attache à penser que la main de l'homme sur l'environnement fini généralement par lui faire du mal, je pense également que pour l'avenir de certaines rivières de la région, certain devrait se bouger davantage. Rangez vos tronçonneuses qui privent les rivières d'ombre sur plusieurs kilomètres, penchez vous, ramassez cette pierre et jetez là dans l'eau, elle servira certainement d'abri à des larves aquatiques ou à de petits poissons. Il semblerait que certaines personnes semblent l'ignorer mais la majeure partie des insectes et larves aquatiques, qui représentent la base de la chaine alimentaire, tout comme la truite, sont lucifuges. C'est à dire qu'ils craignent la lumière du soleil et c'est bien souvent ce manque de connaissance des milieux aquatiques qui réduit certaines rivières au passé magique en véritable cimetières aquatiques. Une rivière doit être composée de portions ensoleillées mais elle doit aussi contenir des secteurs ombragés, c'est un facteur indispensable à la richesse de sa biodiversité.En un an ces 50 mètres de ruisseau ont subit une véritable métamorphose, et pourtant nous n'avons déposé que quelques blocs de pierres. J'ai donc bien la preuve qu'il ne suffit pas de moyens et de somme hallucinante pour redonner vie à un désert aquatique, mais simplement d'y consacrer un peu de temps. Rien est gagné, il reste encore énormément de travail sur plusieurs kilomètres, il y a de nombreux embacles empêchant la libre circulation de l'eau à enlever sur des secteurs boisés et encore des tonnes de pierres à trouver et transporter sur place. Quoi qu'il en soit, cette expérience sur les 50 mètres me pousse à croire que j'ai raison de prendre de mon temps.