L'écrevisse
Ecrevisse à pattes blanches.
Un animal vraiment extraordinaire !
L'écrevisse qui... - change régulièrement de carapace, - urine par ses antennes, - fore des galeries avec sa queue, - pond par deux de ses pattes - et copule (chez les cambaridés) avec l'aide d'une autre immobilisant quatre appendices sexuels en position d'érection, a toujours été considérée par les hommes comme un animal extraordinaire.
Cependant, ce sont - outre sa qualité gustative - deux autres caractéristiques de l'écrevisse qui ont surtout attiré l'attention des observateurs :
- sa faculté de régénérer un membre cassé
a longtemps laissé penser que la médecine pouvait utiliser l'écrevisse pour réparer des organes humains malades ;
- sa façon de nager vers l'arrière
a beaucoup frappé les esprits et fait de l'écrevisse le symbole d'actions rétrogrades aussi diverses qu'inattendues...
Mais les écrevisses qui peuplent nos eaux sont d'espèces différentes et se pose donc une question importante :
Comment identifier une écrevisse ?
Par ailleurs, le monde des eaux est difficile à observer :
il est caché, secret, étrange et mystérieux...
Il renferme des phénomènes toujours inexpliqués,
des problèmes restés sans réponses,
des énigmes qui ne peuvent être facilement éclaircies.
1 - Pourquoi certaines écrevisses américaines sont-elles bleues ?
Ou, plus généralement, pourquoi certaines écrevisses n'ont-elles pas
la même couleur que leurs consœurs ?
Existe-t-il aussi des écrevisses ne rougissant pas à la chaleur ?
2 - Les écrevisses sont-elles réellement des proies recherchées par les carpes, les brochets et les autres poissons carnassiers ? Quelles sont les différentes manières de pêcher les écrevisses ? Il y a-t-il vraiment un appât plus efficace que les autres ? La pêche au fagot mérite-t-elle sa réputation ? Les calendriers halieutiques lunaires sont-ils crédibles
3 - Existe-t-il des cas avérés de régénérations monstrueuses chez les écrevisses et même des écrevisses gynandromorphes ?
La régénération chez les écrevisses
La régénération "normale"
Il arrive qu'une écrevisse perde un appendice lors d'une confrontation violente avec une consœur pour une proie ou, surtout, pour un abri (les meilleurs postes d'affût, très convoités, sont toujours occupés par les sujets les plus forts). Agrippée par son adversaire exerçant soudain un déplacement brutal en nage propulsive, elle lui a cédé une patte, une antenne voire un œil. Ce phénomène courant est celui de l'autotomie : une mutilation spontanée que pratiquent certains animaux qui, pour échapper à un danger, abandonnent une partie d'eux-mêmes. C'est une amputation spontanée, sans douleur et sans hémorragie, se faisant à un endroit déterminé : le plan d'autotomie. Quelque temps après apparaît un "bourgeon" qui sous l'action d'une molécule, la myosiverine, se charge en cellules souches reconstituant, mue après mue, l'appendice disparu. C'est ce phénomène qui est appelé "régénération". En général, la régénération ne redonne pas sa taille d'origine au membre perdu et nuit, dans le cas d'une grosse pince, à la croissance générale du sujet.
La régénération "hétéromorphique"
La régénération des appendices coupés peut être hétéromorphique : le bourgeon ne reconstitue pas le membre cassé dans son intégrité et il arrive qu'une anomalie apparaisse. Ainsi, les grosses pinces monstrueuses sont fréquentes, On a même parlé de cas où une écrevisse aurait reconstitué une antenne... à la place d'un œil pédonculé.
Le dimorphisme: Chez les animaux, il existe entre les mâles et les femelles, des disparités non indispensables à la reproduction : c'est le dimorphisme sexuel.Le dimorphisme sexuel est l'ensemble des différences morphologiques plus ou moins marquées entre les individus mâles et femelles d'une même espèce. C'est la coexistence de deux formes distinctes. Exemples : le coq et la poule, le faisan et la faisane, le lion et la lionne, le cerf et la biche...
Le gynandromorphisme chez les animaux
Le gynandromorphisme est une anomalie individuelle de certains animaux (surtout chez les insectes), qui juxtaposent des régions mâles et des régions femelles. Le gynandromorphisme peut être : - bilatéral : un côté du corps est mâle, l'autre côté est femelle, - en mosaïque : avec des juxtapositions d'organes mâles et femelles plus ou moins complexes.
Le gynandromorphisme chez les écrevisses
Entre les mâles et les femelles, il existe des disparités non indispensables à la reproduction : c'est le dimorphisme sexuel. Il faut pour le remarquer observer des sujets d'âge ou de taille égale. A âge égal, les mâles sont de 10 à 15% plus gros que les femelles et, à taille égale, les femelles ont un abdomen un peu plus large et plus haut que celui des mâles ainsi qu'une poche abdominale plus profonde et les mâles, eux, possèdent des pinces plus puissantes.
Pourquoi les écrevisses rougissent-elles à la cuisson ?
La carapace de l'écrevisse renferme deux protéines (de grosses molécules, riches en pigments diversement colorés), étroitement liées : - la crustacyanine de couleur bleue, l'astaxanthine dont les propriétés d'absorption de la lumière (et donc la couleur) varient selon qu'elle est libre (rouge orange) ou bien attachée à la crustacyanine et alors bleu pourpre. La chaleur, en déformant plus ou moins fortement la crustacyanine, rend à l'astaxanthine qui lui est liée sa forme libre et sa couleur rouge. Ce phénomène qui a longtemps paru extraordinaire, surtout au Moyen Age, et dont le secret n'a été percé totalement qu'en 2002, est entré dans la langue avec l'expression : "rouge comme une écrevisse". En fait, les écrevisses prennent une couleur rouge plus ou moins orange ou violine selon la chaleur atteinte et la proportion d'astaxanthine de leurs carapaces.
Un cas exceptionnel ?
En 1894, on a pu lire dans un exemplaire de La Nature, l'article suivant : "... On signale, dans le Bulletin de la Société d'Agriculture, une espèce d'écrevisse qui conserve même après cuisson, la couleur vert bronze qu'elle avait étant vivante. Cette écrevisse bizarre se trouve au moins dans deux stations montagneuses, à Bourg d'Oisans (Isère) d'une part et, d'autre part, à Sainte-Marie et à Saint-Etienne-de-Cuisne (en Savoie). Dans les Hautes-Alpes, on consomme beaucoup de ces crustacés et il est assez amusant de voir les hésitations de ceux à qui l'on en offre à table : ils croient qu'on veut leur faire manger des écrevisses crues. Elles sont d'ailleurs excellentes ; elles atteignent une belle taille, leur carapace est bien remplie, la chair en est ferme et de bon goût. On peut les pêcher aussi bien dans la Romanche venant des glaciers du Tabuchet, de Pacave et du Vallon que dans le Glandon près de la Chambre."
Six espèces d'écrevisses peuplent les eaux françaises
Les 2 espèces d'écrevisses autochtones :
1 – écrevisse à pattes rouges (ou : pattes rouges, à pieds rouges, des fleuves) Astacidés Astacus astacus
2 – écrevisse à pattes blanches (ou : pattes blanches, à pieds blancs, des ruisseaux) Astacidés Austropotamobius pallipes
Les 4 espèces d'écrevisses étrangères
3 – écrevisse à pattes grêles (ou : galicienne, turque, russe, de Turquie, de Russie...) Astacidés Astacus leptodactylus
4 – écrevisse du Pacifique (ou : signal, pacif, grande américaine, de Californie) Astacidés Pacifastacus leniusculus
5 – écrevisse américaine (ou : petite américaine, américaine banale) Cambaridés Orconectes limosus
6 – écrevisse de Louisiane (ou : écrevisse des marais, rouge des marais) Cambaridés Procambarus clarkii
- la rarissime écrevisse des torrents (Austropotamobius torrentium), morphologiquement proche de la "pattes blanches" et qui est cantonnée dans quelques ruisseaux du département de la Moselle,
- des sous-espèces très localisées d'écrevisses à pattes blanches et d'écrevisses à pattes rouges,
- des sous-espèces d'importation, en particulier de l'écrevisse du Pacifique.
Ecrevisse de louisiane et perche soleil.
2 familles d'écrevisses, 6 espèces d'écrevisses, 36 noms...
Comment s'y retrouver ? Par l'utilisation d'une clef d'identification des écrevisses !
Identification des écrevisses : clef savante et clef simplifiée
Une clef d'identification des écrevisses est une méthode qui donne accès à l'identification des écrevisses. Une clef d'identification des écrevisses "savante" permet l'identification de toutes les espèces d'écrevisses par la seule observation de la morphologie de la tête, du thorax et des pinces.
Pour une clef "savante" : 3 organes à observer
L'étude attentive :
1- de la patte prédatrice et de sa pince (forme des mors, présence d'épines ou d'un ergot...),
2- de la tête (forme du rostre, épines...)
3- et du thorax (aspect général, épines..) permet de déterminer avec certitude l'espèce de l'écrevisse observée* sans prendre en considération ni les autres organes (antennes, autres pattes, abdomen...), ni les couleurs (de la carapace, des pinces...). ici, il s'agit d'une écrevisse "signal" (Pacifastacus leniusculus) Elle demande des connaissances scientifiques solides et ne prend donc pas en compte les couleurs car il existe, pour la même espèce d'écrevisses, des variations de teinte individuelles dues :
■ à des boues sédimentées qui couvrent parfois la carapace de l'écrevisse
d'une pellicule masquant les couleurs réelles pendant l'intermue.
■ à l'alimentation qui agit, par sa richesse ou sa pauvreté en
carotènes, sur les pigments jaunes, bleus et rouges.
■ à une maladie qui peut provoquer des taches ou des
ulcérations de la carapace.
■ à un assombrissement (appelé, dans ce site, effet A) ou à un éclaircissement (appelé, lui, effet E) provoqués par :
- la mue (effet A avant et effet E après)
- le stress (effet A) induit par une pollution, une sécheresse, une canicule… ,
- le milieu (effet A) sur fond sombre et (effet E) sur fond clair (c'est le mimétisme).
- le PH de l'eau (effet A en eau acide et effet E) en eau calcaire).
■ à certaines altérations génétiques des écrevisses donnant des couleurs très inhabituelles : bleu, blanc...
► Une clef d'identification des écrevisses "simplifiée" demande moins de connaissances scientifiques. Elle ne s'intéresse qu'aux principales caractéristiques de la patte prédatrice, de la tête et du thorax et tient compte des couleurs. La clef d'identification des écrevisses présentée ici est simplifiée mais cependant efficace car elle ne concerne que les 6 principales espèces d'écrevisses existant en France.
Conseils d'observation: Cette clef simplifiée convient au pêcheur qui veut nommer ses captures et se montre efficace si l'observation porte sur pusieurs individus : (au moins une écrevisse femelle et une écrevisse mâle pour tenir compte du dimorphisme) venant d'endroits différents (pour tenir compte du mimétisme),
■ sur des écrevisses adultes (préférer les plus grosses prises) bien formées (sans mutilations),
■ sur des sujets bien propres, aux couleurs plutôt claires (l'effet E facilite l'observation) et bien nettes (absence de maladie).
La taille des écrevisses et leur identification
La taille d'une écrevisse ne peut guère aider à son identification. En effet, si elle dépend bien de l'espèce, elle varie aussi avec :
■ l'âge de l'écrevisse (une "pattes grêles" peut atteindre 10 cm
à 3 ans et dépasser 20 cm à plus de 10 ans),
■ son sexe (à âge égal, les mâles sont plus grands que les femelles),
■ son état de santé (ex : la régénération d'une pince ralentit la croissance du sujet blessé),
■ son milieu : la qualité de l'eau (PH, pollutions agricoles, température), la présence ou l'absence d'abris, la richesse de la nourriture, et aussi l'importance de la prédation (anguilles, héron, poissons, ect...) ont un rôle important.
■ la pression de pêche : chez les écrevisses, les gros sujets qui s'imposent sur une proie, se font prendre avant les petits (chez les carpes ou les brochets, c'est l'inverse : la méfiance des vieux poissons leur est salutaire !).
1 - Le carpopodite des grosses pattes (l'article avant la pince) est épineux et, sur sa face interne, se dresse un fort ergot, courbe, pointé vers l'avant.
2 - Le rostre en gouttière (en arrondi bien creusé), est encadré par deux crêtes épineuses .
3 - De nombreuses épines acérées existent sur les côtés de la tête et du thorax.
4 - Les pinces de taille moyenne, aux extrémités noires et rouges, portent des tubercules en saillie sur le bord interne du mors fixe.
5 - De nombreuses taches brunes sont bien visibles sur la face dorsale de l'abdomen.
Si l'écrevisse a les pattes de la même couleur que la carapace, et de nombreuses taches brunes sur la face dorsale de l'abdomen
► il s'agit d'une écrevisse américaine banale
Si l'écrevisse a les pattes et le dessous des pinces rouges, la carapace aubergine, un thorax et des pinces grenus et tachés de rouge
► il s'agit d'une écrevisse rouge de Louisiane
Si les pinces de l'écrevisse sont massives, échancrées, avec le dessus rugueux et l'articulation des mors rouge comme le bout des pattes
► il s'agit d'une écrevisse à pattes rouges
Si bien les pinces de l'écrevisse sont très larges et lisses avec l'articulation du mors mobile blanche et une tache bleue sur le dessus du mors fixe
► il s'agit d'une écrevisse du Pacifique
Si les pinces de l'écrevisse sont massives avec le dessous blanchâtre (teinte sable plus ou moins clair)
► il s'agit d'une écrevisse à pattes blanches
Si les pinces de l'écrevisse sont étroites, allongées, et le thorax sans bleu ni rouge, montre de nombreuses et fines épines
► il s'agit d'une écrevisse à pattes grêles
Si l'écrevisse observée ne correspond à aucune de ces description il peut s'agir le plus souvent d'une écrevisse aux couleurs :
- masquées par des boues sédimentées,
- très assombries par un effet A multiple (ex: mimétisme + pré-mue + stress)
- ou bien encore modifiées par l'alimentation ou par une maladie.
Exceptionnellement, ce peut être aussi :
- une écrevisse d'une autre espèce,
- une sous-espèce,
- ou encore un cas d'altération génétique.
Pacifastacus leniusculus (écrevisse du pacifiqie)
infos empruntées au site "les écrevisses orange.fr"